Ernest Eugène Gabriel Roby
Gabriel Roby, est né à Bayonne en 1878, et mort en 1917 des suites de blessures reçues à la guerre, sur le Front de l’Est.
Ernest Eugène Gabriel Roby
Inscrit à l’Ecole de dessin et de peinture de Bayonne en 1890, aux côtés d’Eugène Pascau et Henry Caro-Delvaille, il obtient une subvention de la mairie et prend la route de Paris en septembre 1897 où il fréquente l’atelier d’un autre Bayonnais, Léon Bonnat. En 1898, il est admis au concours d’entrée de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris où il étudie jusqu’en 1901. A partir de 1902, il présente régulièrement des toiles au Salon des artistes français qui a lieu tous les ans dans la capitale. Dès 1914, il se porte volontaire pour partir sur le front alsacien d’où il ne reviendra pas.
Avant son départ pour la guerre, il présente au Salon, son tableau L’improvisateur, qui suscite des critiques élogieuses. Bonnat désire que l’Etat achète l’œuvre, finalement acquise par la Ville de Bayonne pour 1000 francs et déposée au Musée Basque en 1922. Ce tableau inaugure une série dans laquelle le peintre voulait « célébrer les vieilles coutumes si pittoresques ».
Trois autres tableaux du peintre sont entrés dans les collections du musée en 1925, « le Fronton d’Urrugne », peint en 1902, « Bolantak » et « Zamalzain dansant Godalet dantza » datés de 1914
L’improvisateur
Dans son rapport de 1913, Ernest Fort explique en quoi consiste l’art de l’improvisation : « L’improvisateur accepte le sujet donné par un jury et sur lequel il doit exercer en vers spontanés son talent de poète.»
Le tableau de Roby représente un homme improvisant des vers en basque, entouré d’un groupe de spectateurs. L’expression du visage, l’attitude de l’improvisateur, suggèrent une tension, une inspiration relayée par l’écoute attentive et recueillie de la petite assemblée qui fait cercle autour de lui.
Les auditeurs, personnages typiques, sont peints dans des attitudes composées : la grand-mère avec son châle à motifs cachemire (très en vogue fin 19e s.) qui tricote, le paysan sur sa mule au harnais coloré, les femmes en deuil, les jeunes gens endimanchés vêtus de la traditionnelle blouse noire (xamar) et chaussés d’espadrille agenouillés ou accroupis, les notables sur la gauche (manteau pèlerine « macfarlane » et makilas), la jeune femme de la ville en robe rose, tissu raffiné, sûrement une femme de notable par sa position privilégiée toute proche du chanteur. Le peintre a introduit, au bas du tableau, quelques éléments qui viennent appuyer le caractère basque de la scène : le panier de pommes recouvert du linge tissé traditionnel blanc à bande bleue, cachant à demi une ferreta rutilante en cuivre et deux chisteras.
Au second plan, se déploie un paysage de montagnes avec un village dans le lointain.
Le tableau au Musée Basque
Ce tableau apparaît très tôt dans l’histoire du Musée Basque ; en effet dès 1913, Ernest Fort, explique qu’il a toute sa place dans ce musée, et qu’à ce titre la Commission du Musée vient de voter son acquisition.
Le but de la création du Musée de la Tradition Basque et Bayonnaise est en particulier de garder traces d’un monde qui est en train d’évoluer, et donc de collecter le témoignage d’éléments de la culture qui sont amenés à disparaître : « Tout ce qui, enfin, de près ou de loin, peut rappeler les modes disparues, les traditions chancelantes, les coutumes vieillies, menacées d’une disparition prochaine ». A ce titre, le Secrétaire du Musée définit le tableau comme une « oeuvre à la fois artistique et documentaire ». Il reconnaît ici le talent du peintre tout en ajoutant que l’intérêt pour un musée des Arts et Traditions Populaires est avant tout la valeur de témoignage d’une culture en mutation. C’est ainsi qu’il annonce la disparition imminente du bertsolarisme : « L’improvisateur de Roby, saisi sur le vif, donne bien l’idée exacte de ces représentations qui deviennent rares. L’envahissante civilisation des villes nous privera bientôt de ce spectacle local, dernier débris d’amusements séculaires. »
Il est évident que Fort n’avait pas envisagé, non seulement la continuité de cet art, mais aussi son encrage dans une société moderne.
Le bertsolarisme aujourd’hui
Le terme « improvisation », trop généraliste, a été peu à peu abandonné en français, au profit du mot « bertsolarisme », emprunté au basque bertsolaritza qui définit plus particulièrement cette discipline.
Cet art est certes traditionnel - si les origines du bertsolarisme ne sont pas établies de manière certaine, les premières apparitions assurées d’une forme improvisée de poésie en langue basque sont relevées au 15e siècle (voir Joxe Azurmendi et Koldo Mitxelena) - cependant, il occupe une place prépondérante dans la culture basque contemporaine.
Si, au début du 20e siècle, le bertsolarisme était assimilé à un art rural menacé par « l’envahissante civilisation des villes », à l’heure actuelle, les grands événements du bertsolarisme se déroulent souvent en ville. Ainsi en 2009, la finale de l’Euskal Herriko Bertsolari Txapelketa Nagusia (Championnat général de bertsolari du Pays Basque) a eu lieu au BEC (Bilbao Exhibition Center), symbole fort du modernisme dans la capitale biscayenne. Le public s’est déplacé en nombre pour venir écouter s’affronter les meilleurs bertsolaris du moment, remplissant la grande salle Bizkaia Arena, capable d’accueillir 26000 personnes. Le bertsolari continue donc à proposer des créations éphémères, pour un public nombreux et friand de ces joutes chantées, prêt à se déplacer pour l’écouter dans un lieu moderne, au cœur d’une métropole. Cette finale a également été retransmise et suivie à la radio, à la télévision et sur internet. Il s’agit bien d’un événement majeur de la culture basque, aux antipodes des conditions décrites par Fort en 1913 : « Les concours ont lieu en plein air, sur des planches soutenues par des barriques mises debout./nbsp]».
Le déroulement de ces championnats en ville n’est pas le seul signe de l’évolution de la discipline. Après avoir été longtemps l’apanage des hommes, le bertsolarisme s’ouvre aux femmes qui sont aujourd’hui de plus en plus représentées. Sur les 44 compétiteurs du championnat de 2009, 13 étaient des femmes. Et pour la première fois, la joute finale fut remportée par l’une d’entre elles, la jeune gipuzkoar Maialen Lujanbio, consacrée ce jour-là meilleur bertsolari de l’année.
Cependant, nul n’est besoin d’être un champion pour s’exercer au bertsolarisme, cet art est avant tout celui de l’improvisation, qui doit pouvoir s’exercer n’importe où et par quiconque désire faire un trait d’esprit. Ainsi, lors d’un repas, il n’est pas rare qu’une personne se lève et lance un bertso ou encore qu’une joute s’improvise entre deux ou plusieurs convives. Il « suffit » pour proposer un bertso d’avoir une maîtrise de la langue suffisante, la répartie intellectuelle nécessaire, et surtout, l’inspiration !
Ainsi les prévisions de Fort, se sont-elles révélées fausses. Le bertsolarisme est entré avec vigueur dans le 21e siècle et semble promis à un bel avenir : les bertso eskolak qui accueillent les enfants dès leur plus jeune âge forment aujourd’hui les improvisateurs de demain.
Pour aller plus loin
- Concernant l’Ecole de Bayonne et Gabriel Roby
GUIONNEAU Florence « Preuves évidentes que l'École de Bayonne existe [Georges Bergès, Henry Caro-Delvaille, Hubert-Denis Etcheverry, Eugène Pascau, Gabriel Roby et Henri Zo/élèves de Léon Bonnat] » in Le Festin, n°21, hiver 1997
- Concernant le bertsolarisme
AZURMENDI, Joxe « Bertsolaritzaren estudiorako », in Jakin, 14/15, 1980-avril/septembre, 139-164.
MICHELENA, Luis Historia de la Literatura Vasca, Minotauro, Madrid 1960, p. 25.
: Sur Internet
- Basque Literature : www.basqueliterature.com/basque/historia/ahozkoa/bertso
- Institut Culturel Basque : www.eke.org/fr/culture-basque/bertsularisme